Toponymie
C’est dans les écrits du géographe Ptolémée qu'apparaît pour la première fois le nom de Vindilis pour désigner Belle-Île. En gaulois, vindo veut dire « blanc », ou métaphoriquement « beau, brillant », et illis signifie « île ». Comme l'île n'apparaît pas comme blanche avec ses falaises de schiste noir, le sens de Vindilis est donc déjà celui de « belle île ».
Pline l’Ancien désignait, quant à lui, l’ensemble des îles de Groix, Belle-Île, Houat et Hoëdic sous le nom d’Insulae Veneticae, c'est-à-dire îles des Vénètes, peuple celte de navigateurs qui a également laissé son nom à la ville de Vannes.
En vieux breton, Belle-Île est nommée Guedel ou Guadel à partir du XIe siècle (1029, Charte d’Alain Canhiart Comte de Cornouaille). Les désignations sous les formes grecques de kalos nésos (c’est-à-dire « belle île ») ou latines Calonessus apparaissent sur quelques cartes ou descriptions à partir du XVIe siècle.
À la fin du Moyen Âge, le nom de Belle-Isle est désormais utilisé en français. Avec la construction au XVIe siècle du fort de Palais, elle va être désignée en breton comme Enez ar Kêr veur, « île du grand fort », plus simplement Ar Gerveur.
Temporairement, sous la Révolution française, l’île fut appelée « île de l'Unité », mais ce nom ne fut jamais confirmé par décret. Quinze ans plus tard, sous Napoléon Ier, la municipalité proposa la nouvelle dénomination de Belle-Isle Joséphine, mais, divorce de Napoléon oblige, cette appellation ne fut jamais acceptée. L’île gardera alors ses noms de Belle-Île-en-Mer en français, l’extension « en Mer » apparaissant sur les cartes du début XVIIIe siècle, et d’Enez ar Gerveur en breton.
Au nom de Belle-Île, on ajoute parfois « la bien nommée », formule trouvée par la poétesse belliloise Éva Jouan, dans son recueil de poèmes De la grève.
Géographie
C’est la plus grande des îles du Ponant8, elle est située à 14 km au sud de Quiberon, presque à la même latitude que Le Croisic et proche des îles de Houat et Hœdic.
La côte nord de Belle-Île est la limite sud-ouest de Mor braz.
Découpage administratif
Les quatre communes de Belle-Île, associées dans la communauté de communes de Belle-Île-en-Mer, forment l'ancien canton de Belle-Île :
Bangor, bourg situé à l’intérieur des terres ;
Locmaria, bourg situé à la pointe est de l’île ;
Le Palais, port principal et chef-lieu du canton de Belle-Île ;
Sauzon, second port.
Belle-Île est la plus grande des îles bretonnes, culminant à 70 mètres. Mesurant 17 km de long sur 9 km de large, soit 85 km2, elle forme un vaste plateau, dominant la mer d'une altitude moyenne de 40 mètres, entaillé par de nombreux petits vallons encaissés qui débouchent sur des ports ou des plages. Les roches de l’île sont la partie émergée d’un ensemble volcano-sédimentaire constituant une partie du plateau continental sud-armoricain. La stratigraphie de ces roches couvre une période allant de l'Ordovicien au Silurien. La côte de l’île, selon l'étude de la géologie, constituée d’une roche friable faite de schistes, et de micaschistes, mêlée de quartz, de tuf, subit une érosion intense de la mer surtout sur la façade sud-ouest tournée vers le large (Côte Sauvage). Il en résulte une côte très découpée, constituée en majorité de falaises. Témoin de cette érosion rapide, l’îlot de Lonègues, qui au Moyen Âge prolongeait la pointe des Poulains, a aujourd’hui pratiquement disparu sous les eaux. L’extrémité nord de l’île se prolonge d’îlots raccordés au socle principal par des bancs de sable, où la mer s’insinue à marée haute.
Sur la côte exposée au nord-est, face au continent et donc la plus abritée, débouchent deux rias qui ont permis la création des deux ports principaux de l’île : Le Palais et Sauzon. Sur cette même façade on trouve la grande plage de l’île (les Grands Sables).
La côte sud, bien protégée, est jalonnée des plages aux eaux plus chaudes, favorables à la baignade (Port Goulphar, Port Kérel, Dotchot, Herlin, etc.) ; la côte nord possède les plus grandes et plus belles plages (Bordadoué, les Grands Sables) ; la côte ouest a la plage la plus extraordinaire, celle de Port Donnant ; sur la côte est se trouvent les plages de Port Maria, Port Blanc et Port AnDro. Le contraste est frappant entre le centre exposé au vent, où les champs de céréales alternent avec les ajoncs, et les versants abrités des vallons aux grasses prairies, où se groupent les maisons blanchies à la chaux.
Le climat de Belle-Île est océanique à la limite du climat supraméditerranéen Csb. En effet, Belle-Île connait une saison sèche (2T > P et P <40 mm) pendant les 2 mois d’été et bénéficie d’un ensoleillement particulièrement important. Mais la différence entre le mois le plus sec (juin) et le plus humide (janvier) n’est pas assez prononcée : le rapport n’est que de 2,52. À partir de 3, si l’on en croit Wladimir Peter Köppen, Belle-Île aurait fait partie du climat supraméditerranéen. Mais le climat de Belle-Île ne peut pas se définir comme « très » ou « hyper » océanique car les précipitations sont moyennes sur l’année et faibles en été. Les gelées sont rares, il pleut beaucoup moins que sur le continent, les hivers sont doux (moyenne des minima 9 °C), l’ensoleillement généreux (dépassant peut-être 2 000 heures par an) ce qui permet, ainsi que sur les rives du Golfe du Morbihan, à des plantes méditerranéennes, comme le palmier, la vigne, le figuier, de prospérer dans les vallons abrités.
Mis à part de quelques boisements de ravins, comme le vallon nord de Port-Maria, il ne reste plus trace de la végétation primitive qui a probablement dû être une vaste lande boisée ; le centre de l’île a été complètement défriché et divisé en lots d’environ 20 hectares, attribués chacun à une famille lors de la colonisation de l’île au IXe siècle par les moines de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon. La partie centrale du territoire est depuis consacrée à l’agriculture. Au XVIIIe siècle, une forêt de pins et de châtaigniers a été replantée sur des terres de landes incultes par l’agronome Gabriel Bruté de Rémur (1726-1786), qui a par ailleurs introduit des méthodes plus rationnelles de culture et d’élevage. L’agriculture est réellement devenue prospère au XIXe siècle (élevage ovin et bovin, culture de primeurs, mais aussi de blé nécessitant l’activité de cinq moulins à vent), et cela grâce à la forte demande des populations travaillant pour la marine marchande, les conserveries de sardines et les chantiers navals. L'agriculture sur l'île est aujourd’hui en fort déclin, tout en conservant plusieurs exploitations d’élevage bovin et ovin, avec des cultures associées d’orge et de maïs, ainsi que du maraîchage. Les côtes sud et sud-ouest, les plus exposées au vent et aux embruns, sont bordées d’une zone inculte brûlée par les embruns, où les lapins sont nombreux ; on y élève par ailleurs des chèvres.
Préhistoire
La trace de la présence de l’homme au Paléolithique moyen a été révélée par la découverte d’un biface mousterien à Kergoyet .
Belle-Île n'est pas encore une île15, elle est définitivement séparée du continent, vers -7000, lors de la transgression « flandrienne ».
La permanence de son occupation, est attestée dès le Mésolithique par de nombreuses découvertes de mobilier, outils, armes et bijoux conservés au musée archéologique de la Société polymathique du Morbihan, à Vannes et au Musée de Préhistoire de Carnac. Des sites d’habitat du Néolithique ont été mis au jour à Kerdonis, au Skeul, Kerzo et Deuborh.
Dans les tourbières de Ster Vraz (Sauzon), un crâne humain datant du Néolithique fut découvert au début du XIXe siècle par le botaniste Émile Gadeceau : il est conservé au musée Dobrée à Nantes.
Sur la série de menhirs qui formaient un alignement unique traversant l’île dans sa largeur et dont la présence est attestée , seul trois sont encore visibles (Menhirs de Kervarigeon, Jean et Jeanne de Kerlédan) : les autres mégalithes ont été détruits, certains découpés en pierre de taille pour le bâtiment. En 1989, MM. O. Kayser et Batt archéologues de la DRAC de Bretagne, ont mis au jour un quatrième menhir, isolé, marquant une tête de vallon au port de Borderun.
Des nombreux tumulus que l’on pouvait voir sur l’île jusqu’au milieu du XIXe siècle, il ne reste que le tumulus de Borderune encore visible : ceux de Kerdavid, Borvran, Kervarigeon sont très arasés. Celui de Runello, un des plus imposant de la région, a été rasé vers 1830 pour en récupérer les pierres.
À l’Âge du bronze, le nombre de sépultures (tumulus de Bordelane, Lanno) traduit une augmentation de la population ; c’est sans doute la conséquence du développement de la navigation propre à cette période : Belle-Île se trouvait en position stratégique sur les routes maritimes. Durant l’Âge du fer, sur la Côte Sauvage, plusieurs éperons barrés, déjà occupés au Néolithique, sont fortifiés. Le plus important (cinq hectares), nommé localement « Le camp de César », se trouve sur la presqu’île du Vieux Château, dans le Nord-Ouest de l’île. Plusieurs dépôts de fondeurs ont été mis au jour, dont un des plus importants d’Europe, conservé au musée de préhistoire à Carnac.
Un ensemble de tombelles, visible dans les landes de Bordelane, est estimé14 de la période de la civilisation des champs d’urnes (Bronze final, début âge du fer soit vers le Xe siècle av. J.-C.).
Antiquité
À l’époque celte, elle est la plus grande et la plus au large des 365 îles (dit la légende) de l’archipel du Morbihan (« petite mer ») où prospère le peuple navigateur des Vénètes. Les traces encore visibles d’éperons barrés (opidium) ayant servi de camps aux armées vénètes démontre l’intérêt stratégique que Belle-Île pouvait alors représenter.
On y a découvert des monnaies (statères Vénètes) et des tuiles datant de l’époque gallo-romaine. À la chute de l’Empire romain commence, comme en Bretagne, la colonisation par les bretons venus d’Outre-Manche.
La colonisation monastique
Au centre de l’île, à l’emplacement de l’actuelle commune de Bangor, il existe de toute ancienneté un prieuré qui tient son nom de l’abbaye qui l'a fondé à partir du VIIe siècle ; on ne sait pas s'il s'agit de l'abbaye de Bangor en Irlande d'où l'on sait que des moines comme saint Colomban sont venus évangéliser l'Armorique, ou du Monastère de Bangor-Fawr, fondé au Pays de Galles vers 545 sur le détroit de Menai. Au IXe siècle, Belle-Île appartient aux comtes de Cornouaille (en Bretagne). L’île est dévastée par les Vikings qui ont pillé l'abbaye et chassé une grande partie de ses habitants, ce qui oblige le comte de Cornouaille à la confier aux Bénédictins de Redon : ils y rétablissent le prieuré au même lieu que leur prédécesseurs (à l'emplacement actuel du camping municipal de Bangor). Les moines mettent en œuvre un programme rationnel de colonisation et de mise en valeur : l’île est divisée en quatre paroisses, et leurs territoires allotis en propriétés d’un peu plus de vingt hectares qui sont attribués à une famille et dont les contours resteront stables jusqu’au XVIIIe siècle, formant plus de huit villages disséminés.
L’île change à nouveau de tutelle en 1029 : le comte de Cornouaille Alain Canhiart confie l’île à l’abbaye Sainte-Croix de Quimperlé, qu’il vient de fonder. Domaine appartenant à un ordre relevant du pape, Belle Isle se trouvait juridiquement donc dépendre ni l’évêché de Vannes ni du duché de Bretagne mais directement de la Curie romaine par une sorte d’extra territorialité insulaire. La gestion de l’île est déléguée à un prévôt qui dispose du pouvoir spirituel et temporel (droit de basse, moyenne et haute justice qui s’exerce tantôt à Belle-Île tantôt à Quimperlé). En 1408, la justice n’est plus exercée qu’à Quimperlé ; deux officiers sont désignés par l’abbé de Quimperlé : l’« official » gère le spirituel et le « commandant » est responsable du temporel de l’île ainsi que de la défense des côtes.
L’île est constamment la cible, à cette époque, de pirates des régions voisines (Saintonge, Charente) ou de pays plus lointains (Hollande, Angleterre). Les moines qui ont construit une première citadelle à Palais, s’avèrent incapables de repousser ces pillages. Cependant, le principal intérêt de Belle-Île pour les pirates et les flottes ennemies du royaume est d’ordre purement stratégique : Belle-Île est une des rares îles du littoral atlantique français permettant aux navires ennemis de s’avitailler aisément en eau potable. Ceux-ci évitent ainsi un débarquement, toujours risqué, sur le continent. Cet intérêt hautement stratégique n’échappe pas à Vauban qui, au XVIIe siècle, fait construire spécialement une aiguade en bordure de mer, au pied de la citadelle du Palais. Il s’agit d’un poste d’avitaillement en eau potable, équipé d’un réservoir captant des eaux de source, ainsi que d’un quai d’accostage pour les citernes flottantes chargées du transport de l’eau vers les bateaux au mouillage dans la rade. L’eau y était ensuite pompée pour remplir les pièces à eau, rangées dans les cales des navires.
En 1548, le roi Henri II décide d’entreprendre sa fortification et sa mise en défense. Il faut transporter sur l’île des pierres de granit venant d’Auray et malgré les injonctions royales, les fortifications avancent lentement. Les moines opposent l’insuffisance des richesses de l’île pour financer des travaux aussi importants.
Belle-Île est encore pillée, cette fois par les Espagnols en 1567.
En 1573, durant les Guerres de Religion, l’île est occupée par Gabriel de Montgomery, chef militaire protestant. Réfugié en Angleterre, il vient soutenir Coligny. La garnison de Montgomery est chassée par une escadre armée par Albert de Gondi, duc consort de Retz. Belle-Île est alors érigée en marquisat en 1573 et concédée par le roi à ce riche gentilhomme venu d’Italie guerroyer pour le Roi et favorisé par Catherine de Médicis.
Belle-Île est désormais le siège d’une sénéchaussée. Les Gondi commencent la réédification d’une forteresse à Palais et de différents ouvrages de guet sur les côtes. L’île connaît une certaine tranquillité et une certaine prospérité grâce à ce chantier. Mais les finances des Gondi qui ont de lourdes charges, ne suffisent plus.
Son petit neveu et héritier, Paul de Gondi, cardinal de Retz, frondeur persécuté par Louis XIV et Mazarin, vint se réfugier à Belle Isle au cours de l’été 1654 après son évasion de la prison de Nantes. Au cours de la rocambolesque cavalcade qui s’ensuivit, il dut se résoudre, en 1658, à vendre l’île pour un million quatre cent mille livres à Nicolas Fouquet, armateur issu d’une riche famille alliée des principaux parlementaires bretons et devenu surintendant des finances en 1653 et fortement enrichi. Fouquet acheva les fortifications et construisit une jetée et des entrepôts. Belle Isle devient alors pour quelques années, avec une dizaine de navires, le principal centre d’armement du commerce avec l’Espagne et les Indes. En 1660, Fouquet achète la charge de « vice-roi des Amériques » et promet un développement avec le Nouveau Monde par ses participations aux compagnies maritimes, notamment dans le commerce des peaux de Nouvelle-France.
L’île abrite alors deux cents hommes au service de l’entreprise de Fouquet mais celui-ci est arrêté le 5 septembre 1661 sur accusation de péculat formée par Colbert avec l’aide de son cousin Colbert du Terron venu enquêter sur place. Le projet d’extension du port est stoppé. L’île fut confisquée, comme toutes les libertés bretonnes le seront, par Louis XIV venu à Nantes et le commerce maritime ruiné, comme à peu près le royaume dans son entier, par les guerres du Grand Roi avec les autres nations. Au terme d’un interminable procès qui fit scandale tant la procédure fut dévoyée, Fouquet est condamné en 1664 au bannissement hors du royaume et à la confiscation de ses biens, peine commuée par le Roi en détention à perpétuité. À la mort du ministre déchu, en 1680, sa veuve et ses enfants désargentés conservent naturellement la seigneurie, mais Louis XIV s’arroge le droit de mettre l’île en défense, laquelle sera assurée directement. Il s’agit d’une expropriation de fait par l’armée.
Toutes les compétences ayant été étouffées par la monarchie absolue, la ferme du tabac étant même confiée à une favorite, le commerce triangulaire avec les plantations de Saint-Domingue fut un échec jusqu’à ce que la Régence restaure un peu de liberté et qu’une reprise commerciale soit tentée en 1720. Si les bourgeois de Saint-Malo, Lorient, Nantes, La Rochelle, Bordeaux et Bayonne profiteront de ce regain, la prospérité, faute de nouvel investisseur sérieux, ne reviendra jamais à Belle Isle, réduite à un rôle militaire, d’autant que c’est la ville nouvelle de Lorient que Colbert choisit pour l’implantation de la Compagnie française des Indes orientales.
Vauban est dépêché à Belle-Île en 1683 pour vérifier l’état des fortifications. Au Palais, il constate que l’emplacement choisi pour la forteresse n’est pas approprié car il est dominé par plusieurs positions alentour. Il porte un regard sévère sur les précédents concepteurs et constructeurs de la citadelle20. Le déménagement de la citadelle sur l’autre rive qu’il propose est trop cher, et il doit se contenter de déplacer le village et l’église du Haut-Boulogne qui se trouvent à proximité afin de créer un glacis et de renforcer la citadelle existante. Mais les principales améliorations demandées par Vauban ne seront pas réalisées : construction d’une enceinte entourant la ville de Palais, construction de défenses suffisantes le long de la plage des Grands Sables qui constitue un lieu de débarquement idéal.
En 1686, les troupes de la coalition anglo-hollandaise tentent de débarquer sur la plage des Grands Sables mais sont repoussées. Un stratagème, qui fait croire que l’île est défendue par des troupes nombreuses, dissuade les assaillants de poursuivre leurs tentatives de débarquement.
En 1718, l’île est rachetée au Maréchal de Belle-Isle, fils de Nicolas Fouquet et est rattachée directement au domaine royal. En 1720, l’île est confiée à la Compagnie des Indes : le Palais et Sauzon deviennent des ports francs. Les malversations qui s’ensuivent conduisent le roi à confier l’île à des fermiers généraux jusqu’en 1759, puis à compter de cette date à la province de Bretagne.
Durant la guerre de Sept Ans, Belle-Île est un enjeu stratégique important car elle est essentielle à l’avitaillement en eau potable de la flotte française.
Les Britanniques s’emploient donc activement à la contrôler, afin de menacer l’estuaire de la Loire et la ville de Nantes. La bataille navale des Cardinaux (à l’est de Hœdic) leur assure la suprématie dans les eaux locales. En 1761, les Britanniques débarquent dans l’île sur la plage des Grands Sables. Des redoutes sont rapidement construites sur les hauteurs du Palais mais n’arrivent pas à contenir les attaquants, qui installent leurs batteries de canons sur les hauteurs pour protéger leur approche, selon le scénario qui avait motivé les demandes (refusées) d’extension des fortifications par Vauban. Au bout de trois semaines, l’enceinte principale ayant été battue en brèche par des navires anglais, le gouverneur de la citadelle doit se rendre, mais avec les honneurs de la guerre. Belle-Île est alors sous contrôle britannique pendant environ deux ans. Puis le traité de Paris en mai 1763, consacre la domination britannique sur les mers : les Britanniques restituent Belle-Île contre l’île de Minorque que les Français leur avaient pris au début du conflit. Le commandant anglais, le major John Crawford, se voit remercier par le roi Louis XV pour la douceur avec laquelle il a gouverné ses sujets et gratifier d’un domaine à son nom sur l’île, érigé pour lui en domaine noble, où il reviendra plusieurs fois séjourner.
Le débarquement anglais de 1761, lors de la guerre de Sept Ans. L’île est occupée jusqu’en 1763.
À partir de 1765, 78 familles (un peu plus de 300 personnes) d’Acadiens réfugiés du « grand dérangement » de 1755 s’installent à Belle-Île22.
C’est l’occasion d’une grande entreprise de révision foncière appelée « afféagement » et de la levée d’un cadastre, un des seuls qui soit antérieur au cadastre napoléonien. Pour faciliter le redressement de l’île et encourager les volontaires bellilois, ainsi que les réfugiés, à cultiver la terre, des concessions valant titre de propriété sont attribuées à chaque famille : dix hectares de terres labourables, une maison d’un modèle uniforme, une aire à battre, une grange, des semences, des ustensiles et un pécule. Les terres de Belle-Île qui appartiennent au roi leur sont ainsi données. Le résultat de cette politique est mitigé: la moitié des Acadiens ne s’adapteront pas et repartiront vers différentes régions de France ou vers la Louisiane, rejoindre leurs familles, les Cadiens, qui y avaient été déportées.
Malgré ces départs, la population continue de croître d’un millier d’habitants jusqu’à la Révolution. Une grande parties des anciennes familles belliloises encore présentes sur l’île aujourd’hui, possèdent des acadiens dans leur généalogie.
Durant la Révolution française, l’île est un enjeu important dans la lutte contre les Britanniques mais ne sera jamais attaquée. Ses fortifications sont à l’époque, et ce jusqu’en 1870, régulièrement modernisées.
Le 30 novembre 1870 le ballon monté Jules-Favre No 2 s’envole de la gare du Nord à Paris alors assiégé par les prussiens et termine sa course à Belle-Île-en-Mer après avoir parcouru 548 kilomètres.
Dès 1902, le ministère de la Justice établit sur la Haute-Boulogne, une colonie pénitentiaire pour mineurs « délinquants » avec une école de matelotage : un bateau avec son ancien gréement était placé au milieu de la cour, mais les détenus ne sortaient pas en mer. Rapidement, le domaine de Bruté est acheté et transformé en « centre d’apprentissage agricole » et aussi de mécanique diesel, ce qui permet d’augmenter la capacité d’accueil des enfants et de diversifier leur formation. Une célèbre révolte des enfants en 1934, fait connaître au monde entier les conditions de détention qui furent améliorées, mais la colonie ne fut définitivement fermée qu’en 1977.
Jacques Prévert et Marcel Carné (La Fleur de l’âge) ont rendu un hommage aux jeunes héros de cette période de l’histoire de Belle-Île.
Les bâtiments de la Haute-Boulogne (Le Palais), en partie rénovés, sont occupés à l’heure actuelle (2009) par différentes structures associatives (Maison des associations, théâtre Vindilis, Tomm Eo - Festival Belle Ile On Air, Espace Jeunesse). Un des bâtiments sert de logement aux détenus en « chantiers extérieurs pénitentiaires ».
Ports
Belle-Île a deux principaux ports, celui de Palais et celui de Sauzon, ainsi qu'une une vingtaine de ports naturels permettant de mettre un bateau à l'abri.
Phares, balises, sémaphores
Belle-Île est balisée par trois phares : le phare de Goulphar, le phare des Poulains et le phare de Kerdonis. Le grand phare de Belle-Île peut être visité.
Développement économique, agriculture
En 2003, la surface agricole utile (SAU) était de 2 980 hectares, soit 35 % de la superficie totale de l’île. Cette surface a fortement diminué ces cinquante dernières années avec l’essor du tourisme et l’achat de terres agricoles pour y bâtir des maisons. Le nombre d’exploitations agricoles total sur l’île était de 86. Mais ce nombre correspond au nombre de cotisants à la Mutualité sociale agricole. En fait, on considère qu’il y avait seulement 38 exploitations « viables » avec une SAU moyenne de 78 hectares Sur ces exploitations, il y avait 21 producteurs de lait, 12 producteurs d’ovins et 5 maraîchers. 58 % des exploitants avaient entre 35 et 54 ans, ce sont d’ailleurs les mêmes qui détenaient 65 % de la surface agricole. 26 % des exploitants avaient plus de 55 ans31. Une surface importante devrait donc être libérée à l’avenir. À moins que toutes ces terres ne deviennent constructibles ou soient laissées à l’abandon, on peut penser que d’ici une dizaine d’années, Belle-Île ne comprendra plus que quelques exploitations mais de surface très importante. L’entraide entre agriculteurs y est forte, l’absence d’entreprise de travaux agricoles sur l’île les obligeant à travailler ensemble lors des gros chantier (ensilage, moisson…) ou encore à acheter du matériel en commun (CUMA) (ensileuse, moissonneuse-batteuse, arracheuse de betterave…). En 2010, treize producteurs laitiers sont présents sur l’île avec une forte installation de jeunes en reprise ou sous forme de GAEC. Une entreprise agricole réalise la moitié de la récolte de maïs, ainsi qu’une autre entreprise pour les moissons. Un comice agricole est réalisé tous les deux ans, année impaire, sont exposés des vaches, chevaux, moutons, cochons, divers, buffet sur place. ce comice agricole est organisé par le syndicat d’élevage de Belle-Île.
La pêche, les sardineries
Comme dans le reste de la Bretagne, la pêche sardinière se développe rapidement dans la seconde moitié du XIXe siècle avec la généralisation du l’utilisation du procédé de conservation inventé par Nicolas Appert. En 1855 on compte dix conserveries de sardines à Belle-Île. Le développement de la flottille de pêche entraîne en 1911 l’ouverture d’un chantier naval qui emploie une centaine de personnes. La population croît fortement jusqu’à atteindre 10 804 habitants en 1872. Vingt ans plus tard, le déclin à la fois démographique et économique qui s’amorce à Belle-Île est dû en partie à l’épuisement et la baisse de qualité des ressources halieutiques en sardines, ainsi qu’à la modification des circuits de conditionnement et de commercialisation des conserves de sardines.
Depuis les années 1970, la quasi-totalité de la production française de pouce-pieds (appelés « becs rouge » par les Bellilois) vient des gisements de Belle-Île-en-Mer caractérisés par les eaux brassées du large et les vents d'ouest, quelques-uns se trouvant entre l'île d'Yeu et Roscoff. La production qui, vers les années 1960-1970 a dépassé les 300 tonnes annuelles, est désormais réduite à moins de 50 tonnes (officiellement 12,3 tonnes en 1994). Chiffres minimisés, les prises n'étant pas toutes déclarées : à côté des pêcheurs professionnels existe une contrebande exportant tous les pouce-pieds en Espagne où les gisements sur certaines falaises d'îles de Galice ne suffisent pas à répondre à la demande..
Le tourisme
Écoles de voile sur la plage des Grands sables.
À la fin du XIXe siècle apparaissent les premiers touristes attirés par le charme de l’île : Claude Monet, Sarah Bernhardt, Albert Roussel. Aujourd’hui le tourisme est une des principales sources de revenus de l’île.
Vers 1890, la compagnie de navigation à vapeur « la Belle Iloise » établit une relation régulière avec Auray. Aujourd’hui c’est la Compagnie Océane qui effectue la desserte de l’île depuis Quiberon en 45 minutes à raison de cinq allers-retours hors saison, portés à une dizaine durant la période estivale.
La citadelle du Palais, qui depuis la fin du XIXe siècle n’était plus un lieu stratégique, ainsi que les fortins dispersés sur la côte sont vendus à des particuliers. Depuis 1960, la citadelle qui tombait en ruines a été restaurée par ses propriétaires, M. et Mme Larquetoux. Elle a été achetée en 2005 par Les Hôtels Particuliers du groupe de Philippe Savry.
Dans les années 1970, alors que l'avènement du tourisme créait en Bretagne une frénésie immobilière, le syndicat intercommunal de Belle-Île a su prendre les décisions qui ont protégé l'île d'un développement anarchique, en maintenant des espaces préservés et en regroupant les constructions nouvelles dans les hameaux.
Les commerces tournés vers la clientèle touristique prennent le relais de l’agriculture et de la pêche qui occupent de moins en moins de bras.
Belle-Île est aujourd’hui une destination de vacances très courue. De nombreux continentaux y ont acquis des résidences secondaires. Ses nombreuses plages, ses sentiers côtiers, sa jolie campagne, son golf, ses clubs hippiques, son aéroclub, ses écoles de voile, de plongée, de surf, et ses ports attirent à la belle saison de nombreux vacanciers et résidents secondaires qui font passer la population résidente de l’île de 5 120 personnes à environ 25 000 en été (avec un pic variant de 30 000 à 35 000 personnes entre le 14 juillet et le 15 août).
Cependant, les équipements de l’île ont parfois du mal à répondre à la demande lors des périodes estivales de forte fréquentation. Ainsi, en 2005, les besoins annuels de l’île en eau potable sont d’environ 550 000 m3, dont la partie importée coûte 23 €/m3. En 2006, un système de production d'eau potable par dessalement est mis en place sur le conseil de la SAUR, il est abandonné en 2012 à cause de son coût de revient excessif. Les municipalités s'orientent vers une amélioration des installation de recueil et de retenue de l'eau douce qui est abondante sur l'île.
Langues
La langue bretonne, sous sa forme vernaculaire de type vannetais, s’est éteinte à Belle-Île au cours du XXe siècle. Patrick Le Besco a enquêté dans l’île en 1986-1987, il a rencontré les derniers locuteurs nés à Belle-Île-en-Mer et a publié en 1992-1996 l’intégralité de sa collecte dans Zeitschrift für die celtische Philologie « Le breton de Belle-Île-en-mer » (no 45, 1992, p. 239; no 48, 1995, p. 89-258), ce travail a été réédité en 1998 et en 2005 sous le titre Le Breton de Belle-Île-en-Mer, corpus (phonologie, lexique, textes).
L'Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne mentionne qu'en 1911 « les enfants comprennent encore en général le breton, mais ne le parlent pas, ou mal ». On peut supposer que la langue bretonne a pu se maintenir comme première langue chez une infime partie de la population de l'île jusque dans les années 1930. Les derniers locuteurs actifs ont disparu dans les années 1980, le dialecte de Belle-Île est sans doute désormais éteint.
Lieux remarquables de Belle-Île
La citadelle Vauban à Palais, membre du Réseau des sites majeurs de Vauban.
L'enceinte urbaine fortifiée de Palais, la seule du XIXe siècle qui a subsisté dans son état d’origine.
Les aiguilles de Port-Coton, immortalisées par le peintre Claude Monet, qui ressemblent au Sphinx, au buste de Louis XIV, au Mont Saint-Michel, etc.
La grotte de l'Apothicairerie. Large grotte marine, traversant de part en part une pointe rocheuse, surnommée ainsi à cause des nombreux nids d’oiseaux, alignés le long de ses parois, faisant penser à des pots de produits pharmaceutiques, comme ceux qui ornaient les échoppes des « apothicaires » autrefois. Ces nids ont disparu aujourd’hui, les oiseaux nichant là ont été décimés par une chasse « touristique » dont ils faisaient l’objet à la fin du XVIIIe siècle : on y amenait les touristes en barque depuis Sauzon, arrivés dans la grotte ceux-ci s’amusaient à y tirer des coups de fusils et à voir voler, affolés, les oiseaux qui y trouvaient refuge.
Le port de Sauzon avec les façades de ses maisons modestes aux façades et aux volets colorées.
Le phare de Goulphar, édifié entre 1826 et 1835, d'une hauteur totale de 52 mètres.
La pointe des Poulains, promontoire de l’île face aux vents dominants.
Les sentiers côtiers qui font le tour de l’île et permettent de longer les falaises de la côte sauvage (compter une bonne semaine de marche).
Les nombreuses plages, particulièrement celle des "Grands sables".
Le golf, aménagé au milieu des landes, tire parti d’une côte découpée dont les caps offrent une vue surplombante sur l’Océan. Juste à côté,
Le fort de Sarah Bernhardt à la pointe des Poulains, il a été racheté et rénové par le Conservatoire du littoral.
La grande plage de sable fin de Donnant et ses rouleaux est une plage appréciée des surfeurs.
Les vingt-six croix de chemins situées dans la campagne à l'intérieur de l'île.
De son patrimoine militaire, on peut citer l'enceinte urbaine bastionnée, l'Aiguade Vauban et les fortifications des Grands Sables.
Personnalités venues à Belle-Île
Un grand nombre de personnalités sont venues visiter ou vivre sur l’île : la famille de Gondi, dont le célèbre cardinal de Retz qui fuyait la vindicte de Mazarin, le poète Marc-Antoine de Saint-Amant qui y compose ses Solitudes en 1617, et même le Major Crawford, gouverneur anglais qui occupait l’île, et qui, une fois signé le traité qui obligeait les Anglais à en partir, obtint de Louis XV qu’on lui donnât la maison qu’il habitait pour pouvoir continuer à passer les vacances, ce qu’il fit les années suivantes.
En mai 1847, au cours de leur voyage en Bretagne, Maxime Du Camp et Gustave Flaubert, après être passés par Carnac et Quiberon, vinrent visiter Belle-Île dont ils arpentèrent les rivages, les champs et les landes. Le récit de ce séjour est inclu dans l’ouvrage intitulé Par les champs et par les grèves de Gustave Flaubert.
Depuis la fin du XIXe siècle, nombreux sont les artistes qui, attirés par la beauté du site, viennent chercher à Belle-Île-en-Mer l’inspiration ou le repos.
Gustave Flaubert y est venu et a écrit un livre intitulé Belle Île en souvenir de son séjour.
Sarah Bernhardt y possédait un ancien fort à la pointe des Poulains qu’elle avait aménagé, et fait construire deux autres villas. voir la rubrique reportage dédié à l’artiste
John Peter Russell qui vécut à Goulphar.
Claude Monet qui a immortalisé les rochers nommés Aiguilles de Port-Coton et autres particularités de l’île dans ses tableaux. Le peintre Claude Monet a séjourné pendant 74 jours du 12 septembre au 25 novembre 1886. Il a résidé à Kervilahouen, dans la commune de Bangor. Il a peint les paysages de Port Goulphar et des aiguilles de Port Coton. Il a peint 39 toiles à Belle-Île, en majorité des paysages de la côte sauvage. Six de ses toiles sont situées en France dans les musées de Morlaix, Reims et Paris (musée d'Orsay, musée Marmottan et musée Rodin). Les autres se trouvent dans des collections privées ou publiques. Dans une lettre adressée à Gustave Caillebotte, Monet a écrit : « Je suis dans un pays superbe de sauvagerie, un amoncellement de rochers terribles et une mer invraisemblable de couleurs. Je suis très emballé quoique ayant bien du mal, car j'étais habitué à peindre la Manche et j'avais forcément ma routine, mais l'Océan, c'est tout autre chose. »
Henri Gauthier-Villars, dit Willy, qui y amène la romancière Colette, avant de l'épouser en 1893.
Arletty possédait une maison dans le village de Donnant.
(Mes sources : Wikipedia)